Perth, Australie

Le 29 mai 1992

Mon cher Jacques,

J'ai bien reçu ta lettre du 17 février et doit admettre que j’ai été profondément désappointé par ta réponse à ma dernière lettre. Il est clair que tu avais choisi d'ignorer complètement l'un des fondements sur lequel mon accession au gardiennat de la Foi était basée, et le seul fondement sur lequel la revendication de Mason Remey reposait, et enfin le seul principe sur lequel, toi, l'Assemblée nationale spirituelle de France et tous ceux d'entre vous qui sont restés fidèles au Covenant, ont accepté Mason comme le second Gardien de la Foi. Ce fondement n'est rien moins que ma nomination comme président du second Conseil international Bahá'í et de son annonce aux fidèles amis, une annonce qui les informait déjà que je devais être le successeur choisi de Mason. Mais de façon encore plus significative, Mason est allé plus loin que ne l'avait fait Shoghi Effendi quand, pendant les dernières années de sa vie il m'a véritablement chargé d'ACTIVER, en tant que président, le Conseil. Ceci eut pour résultat le fait que je fus président d'un Conseil fonctionnant activement, une fonction qui ne peut être remplie que par le Gardien de la Foi, comme l'ont toujours souligné tous nos efforts pour ramener les croyants dans la continuité du gardiennat. De cette manière, Mason, qui réalisait que sa capacité à supporter le fardeau du gardiennat à son âge si avancé, déclinait inexorablement dès lors, abdiqua du gardiennat et le confirma plus tard en annonçant qu'il me remettait les affaires de la Foi.

Il se pourrait aussi, bien qu'il ne l'ait pas su, qu'il ait été de plus en plus sous l'influence funeste et diabolique d'un homme dont il était devenu dépendant; et qui, prétendant être son ami, supporter et bienfaiteur, était en réalité un comploteur ayant pour but d'amasser des biens en devenant héritier de toute la propriété et possessions matérielles de Mason, et en mettant la main dessus à sa mort. Nul n'est besoin de nommer cette personne car tu sais très bien de qui je parle. Tu sais sûrement que Mason a rencontré cet homme quelques années auparavant à Florence, en Italie, et qu'il l'a apparemment revu à Washington, aux États-Unis, chez ses proches qui habitaient là, il influença Mason à quitter sa magnifique résidence qu'il occupait depuis longtemps à Washington et à transférer son domicile à Florence, là où cet homme de nationalité italienne pouvait mieux poursuivre son dessein. Là, il a tout d'abord installé Mason dans un modeste hôtel pendant qu'il cherchait une maison convenable à son intention. Comme tu le sais il a trouvé par la suite un grand manoir à Fiesole, sur les collines, au dessus de Florence, que Mason acheta. Il a ensuite fait rénover l'endroit et l'a aménagé somptueusement, aux frais de Mason, bien sûr, et ainsi, il en a augmenté la valeur pour le jour où le manoir et son mobilier seraient vendus. Ensuite, pour s'assurer qu'il serait bien l'héritier légitime de Mason à sa mort, il influa sur Mason pour que celui-ci l'adopte comme son fils, acte qui nous a tous semblé étrange à l'époque. Ayant réalisé cela, il était donc prêt à accomplir son dernier acte de traîtrise. Il vendit le manoir, alors que Mason l'avait à peine occupé, et l'installa dans un couvent catholique, endroit parmi tous les autres où il était destiné à passer le restant de ses jours, complètement isolé du monde Bahá'í et à demi prisonnier, si tu préfères, dans des conditions des plus inappropriées et dégradantes pour quelqu'un de sa position.

C'était avant cet acte ignoble que nous avions rendu visite à Mason à Fiesole (notre seconde visite; la première étant quand il était à l'hôtel, à Florence). Nous avions même eu, à l'époque, des réserves sur la sincérité de cet homme qui prétendait être Bahá'í. Ces réserves furent confirmées un jour quand il dit à table à Mason: « Mason, tu sais que tu n'est pas le Gardien de la Foi ». Même s'il avait l'intention de faire cette remarque en plaisantant, c'était une chose terrible à dire devant nous. Nul besoin de te dire que cette remarque nous a fait douter de ses réelles intentions et de son attitude envers Mason. Ce même jour, un incident eut lieu, incident qui l'alarma apparemment et l'amena à penser que Mason et moi-même avions peut-être fomenter quelque chose qui risquerait d'entraver son projet d'héritage des biens de Mason alors que ma succession au gardiennat était un héritage purement spirituel. En tous cas, je suis persuadé que, depuis cet instant, il fit tout ce qui était en son pouvoir pour influencer Mason, le retourner contre moi et annuler la précédente nomination dans laquelle il m'avais choisi comme successeur. Autrement, ce changement est tout à fait inexplicable puisque je n'ai jamais rien montré d'autre à Mason qu'une entière loyauté. Ce qu'il n'avait pas pris en compte, c'est qu'au moment où Mason, influencé par lui, nomma quelqu'un d'autre qu'il savait ne représentait pas un menace pour lui, il était alors déjà trop tard car le second Conseil international Bahá'í avait été activé sous ma présidence et que dès ce moment, j'étais devenu le troisième Gardien de la Foi. Le fait que cet homme s'évanouit dans l'oubli au moment de la mort de Mason et que plus rien ne fut finalement entendu de sa part est significatif. Ceci est donc suffisamment la preuve qu'il n'a jamais été sincère dans sa déclaration Bahá'í.

Bien tristement j'ai enduré l'opposition d'un autre individu, égoïste, que j'avais introduit à la Foi à Orléans, en France, où comme tu le sais, je résidais à à cette époque. Il était avocat, américain, et je lui avais prêté un grand nombre d'ouvrages Bahá'is pour son étude de la Foi. Il s'est déclaré Bahá'i et a professé être un supporter résolu de Mason Remey. Quand Mason me demanda d'aller en Israël pour le représenter et rencontrer le Ministre des Affaires Religieuses et la tête du département Bahá'í de ce Ministère, je suggérais que cet homme m'accompagna à cause de ses connaissances en droit. En conséquence, avant notre départ en octobre 1961, il prépara un aide-mémoire supportant l'héritage du gardiennat de Mason qui fit partie du dossier présenté aux autorités israéliennes quand nous les rencontrâmes personnellement et que nous discutâmes de cette question (ce fut, à propos, une discussion fort chaleureuse). Près de trois ans plus tard, quand Mason annonça dans The Glad Tidings la nomination du second Conseil international Bahá'í, les véritables motivations de cet homme furent révélées lorsque à la réception de cette nouvelle, il vint à mon bureau sans prévenir, et me choqua en jetant sur mon bureau sans explication, tous les livres que je lui avais prêtés, et quitta mon bureau sans rien ajouter. Je pouvais seulement conclure par cette conduite étrange et la séquence des événements, qu'il avait été fort mécontent de ne pas avoir été nommé un des membres de ce Conseil ou même peut-être que j'ai été nommé son président au lieu de lui. Nos rapports après cela ne furent plus jamais pareils, et ce ne fut que peu de temps après qu'il quitta la Foi. Mais avant d'agir ainsi, je suis sûr qu'il essaya de monter Mason contre moi à cause d'une lettre que j'ai reçu ce Mason et qui me questionnait sans raison sur mes relations avec cet homme alors que je ne lui avais jamais rien montré d'autre que de la gentillesse.

Pour autant que je répugne à agir, et aussi déplaisant que ce puisse être pour moi de discuter de ces deux cas cités ci-dessus, je ne l'ai fait que pour essayer de comprendre la raison pour laquelle Mason aurait essayé pendant les dernières années de sa vie de défaire et annuler ses actes pris pendant les premières années de son ministère qui montrent clairement que ses intentions étaient que j'hérite de lui, du gardiennat.

Considérons malgré ce que je viens de dire ci-dessus, par égard à ta croyance, que Mason ne m'ait plus considéré digne d'être son successeur, (bien qu'il ne m'ait pas notifié cela). A-t-il ensuite aussi changé son avis à l'égard du mérite de vice-présidents du second Conseil international Bahá'í qu'il avait désignés comme successeurs au gardiennat dans l'ordre nommé (voir papier à entête du Conseil) au cas où je mourrais dans la catastrophe mondiale qu'il pensait imminente? Il furent en ordre: Monir Derakhchan, Nawasish Ali Siyyid, John Byers, James Barrett, Jean Donat, Bernard Fillon et Clarence McClymonds. Après l'activation du Conseil, Monir décéda et Nawasish Ali, James Barrett, Jean Donat et Clarence McClymonds quittèrent la Foi parce qu'ils trouvèrent apparemment inacceptables les déclarations étranges que fit Mason au monde Bahá'í alors qu'il perdait ses facultés mentales. Néanmoins, John Byers et Bernard Fillon sont restés des défenseurs résolus et fidèles. Que Mason n'ait jamais essayé de retirer leurs nominations non plus est également très significatif. Voudrais-tu aussi que ces nominations soient devenues non valables par leur démérite et aient été suprimés en faveur de quelqu'un qui n'a pas été nommé un de ces vice-présidents? (Donald Harvey)

Permets-nous maintenant de considérer ton argument selon lequel, et malgré ce que j'ai écrit plus haut, Donald serait le successeur légitime de Mason en se basant sur l'argument qu'il s'agissait du dernier COMMANDEMENT de Mason et que le dernier commandement d'un commandant est celui à appliquer. Ce que tu n'as pas pris en considération, est qu'il n'y a pas de comparaisons possibles entre un COMMANDEMENT donné par exemple sur le champ de bataille (même un champ de bataille spirituel) où les commandements peuvent par force, exiger un changement ou un remplacement pour s'adapter et contrer les changements de stratégie et de tactique de l'ennemi (dans ce cas les ennemies spirituels) sur le champ de bataille, et la NOMINATION divine que le Gardien de la Foi est obligé de ne décider qu'une seul fois en stricte conformité avec les dispositions spécifiques et immuables du Testament de `Abdu'l-Bahá. Le Maître a expliqué clairement, que la nomination du successeur du Gardien est un acte divinement guidé et pour cette raison, on ne trouve aucune clause dans le Testament du Maître concernant le retrait de cette nomination une fois qu'elle a été décidée. Pour Lui, avoir inclus une telle clause aurait annulé le caractère divin de la nomination. Pour cette raison, et à la lumière de ma précédente discussion montrant que Mason Remey avait déjà abdiqué de son gardiennat avant ses effort pour annuler et suppprimer ma nomination, il est très clair qu'il a pas de raison, en fait, pour soutenir la revendication du gardiennat de Donald.

Je ne sais pas Jacques si tu te rappelles, ou si j'ai déjà eu l'occasion de partager avec toi mon expérience à Haïfa, bien que j'aie écrit à ce sujet en anglais. Iréne et moi fument invités par Shoghi Effendi pour faire le pélerinage en Terre sainte en novembre 1952. C'est durant ce pélerinage que Shoghi Effendi m'a évidemment préparé spirituellement et mentalement (quand j'y repense après coup), à accepter Mason Remey comme second Gardien de la Foi, à l'issue de sa proclamation à Ridván en 1960.

Voila ce qui s'est passé: Un soir lors d'un diner, en présence de Shoghi Effendi et en présence de Rúhíyyih Khánum, Mason Remey, et quatre autre membres du premier Conseil international Bahá'í (Irène et moi étant les seuls pèlerins présents), Shoghi Effendi choisit de parler des étapes de l'évolution future du Conseil international Bahá'í qui fut formé quelques deux ans auparavant (et qui, comme tu le sais n'a jamais été activé pour une bonne raison), alors qu'il progressait vers l'étape finale de son développement — la Maison universelle de justice. Lorsque discutant de sa seconde étape — la Cour internationale Bahá'í — voici ce qu'il a dit: « La Cour Bahá'í à Haïfa, fonctionnera au début seulement dans pour le monde oriental où la loi religieuse est reconnue. Le président actuel du Conseil International Bahá'í deviendra le Juge » (traduction existant). Puis, se penchant vers Mason assis à sa droite, le Gardien en souriant lui demanda: « Mason, es-tu prêt à devenir Juge? » Comme je l'avais souligné dans mes écrits, j'étais très perplexe à l'époque que cette question ne fut adressée qu'à Mason alors que les autres membres du Conseil étaient aussi présents. Ce fut seulement des années plus tard, après réception de la proclamation de Mason, que je perçu la signification de la question de Shoghi Effendi et réalisai qu'il avait parlé ainsi pour mon propre bénéfice. Effectivement, il est clair maintenant que cette question nous dit deux choses de la plus grande importance: La première est qu'il était dans l'intention de Shoghi Effendi que Mason continue à être à la tête du Conseil lors de sa deuxième étape de la Maison universelle de justice embryonnaire sera par nécessité active, fonctionnant initialement avec six cours nationales de justice subordonnées, établies dans les pays qui permettraient l'application des lois Bahá'íes, pour des cas concernant les croyants, le Juge en chef jouera un rôle actif pour s'assurer que les conclusions et jugements des cours soient bien conformes aux lois de Bahá'u'lláh. Cette fonction ne peut être remplie que par le Gardien de la Foi en accord avec le Testament du Maître. Ainsi ceci fut une indication que Mason allait être le second Gardien de la Foi. La seconde chose que Shoghi Effendi nous dit en posant cette question, si nous avions été capable de saisir ses implication, était que son gardiennat avait pour destin de s'achever avant l'expiration de la dixième année de la croisade de Dix Ans, à Ridván en 1963, parce qu'il avait pour but d'établir la Cour internationale Bahá'íe et ses cours subordonnées avant l'expiration de cette croisade. Comme pour confirmer plus encore cette allusion, Shoghi Effendi fit allusion dans des termes si clairs, ce même soir, à sa mort dans un futur proche que Rúhíyyih Khánum fondit en larmes, se leva soudainement de la table, et quitta précipitamment la pièce, ne revenant qu'après s'être calmée. Comme tu le sais, il mourut comme prédit au milieu de la croisade de Dix Ans (le 4 novembre 1957).

Bien que ni moi-même, ni qui que soit d'autre assis à cette table ce soir-là, Mason inclus, ne perçut l'énorme signification de la question que Shoghi Effendi posa à Mason, cela me prépara à reconnaître Mason comme le second Gardien sans aucune hésitation quand il fit sa proclamation en 1960. Ce fut Bernard Fillon, qui, en tant que secrétaire de l'Assemblée nationale spirituelle de France, reçut cette proclamation de Mason et qui me l'apporta en main propre à Orléans pour partager son contenu avec moi, alors président de cette Assembléé. Dès cet instant, j'acceptai Mason comme le second Gardien avec la plus grande joie. Par la suite, l'Assemblée spirituelle nationale se réunit pour considérer et voter l'acceptation de Mason comme second Gardien de la Foi, comme tu te souviendras bien. Si je m'étais opposé à Mason, comme nous l'avait recommandé les Mains de la Cause à Haïfa à l'époque, je doute fort, tu en conviendras sûrement, que le vote aurait eu la même issue, et trés probablement, nous aurions tous rejoint le camp des violateurs, et je ne serai pas en train de t'écrire cette lettre aujourd'hui.

Je ressens que Bahá'u'lláh est à l'origine d'un événement significatif dans la vie d'Irène et moi, qui résulta de notre déménagement pour l'Australie. Peu après notre déménagement ici, la petite-nièce de Bahá'u'lláh, ses deux fils et une fille, ainsi que leurs familles, s'établirent, tous ensembles, dans une maison à côté de chez nous. Nous devinmes de proches amis et maintenant que chaque famille a déménagé dans des résidences différentes, nous sommes souvent invités dans leurs maison respectives, et eux dans la nôtre. Souvent, nous sommes les seuls non-Iraniens présents et il font référence à nous comme « faisant partie de la famille ». Penses-tu que cela soit une coïncidence?

Cher Jacques, j'espère que tu réfléchira avec soin à tout ce que je viens d'écrire, et que sans l'influence des sources extérieures, tu viendras à réaliser que tu as été gravement mal guidé ces quelques dernières années. La plupart des croyants fidèles perçurent que ma revendication au gardiennat était entièrement valide, reposant non seulement sur la lettre manuscrite originale de Mason, mais aussi sur la base de ma nomination comme président du second Conseil internationl Bahá'í, qui fut par la suite alors ACTIVÉ, d'après les propres termes de Mason, qui à ce moment causa la passation du manteau du gardiennat de ses épaules sur les miennes.

L'ordre administratif Bahá'í a été établi aux États-Unis sous mon gardiennat et plusieurs groupes Bahá'ís dans un autre pays qui ont récemment accepté mon gardiennat établiront, trés probablement, l'ordre administratif Bahá'í dans le proche avenir.

J'espère sincèrement que toi et ceux qui te supportent rejoindrez nos rangs bientôt.

Avec mes plus profondes salutations à toi et à ta famille.

Fidèlement ton frère en El-Abhá.



Joel Bray Marangella
Gardien de la Foi Bahá’íe

Traduction anglais-français

par

Joel Marangella et Olivier Charpentier